Les grèves se suivent dans les usines chinoises et les revendications se ressemblent. Mauvaises conditions de travail, heures supplémentaires non payées, salaire trop bas… Les sous-traitant de Nike, d’Etam, d’Apple ou d’IBM sont les premiers d’une liste destinée à s’allonger.
« Il y a des grèves tous les jours dans le Delta de la rivière des perles », explique Geoffrey Crothall, le porte-parole de l’ONG China Labour Bulletin à Hong Kong, un organisme qui défend les droits des travailleurs chinois. « Il y a une concentration d’activisme côté travailleur parce que ces travailleurs n’ont aucun autre moyen d’exprimer leurs griefs : il leur est impossible résoudre le problème par un dialogue pacifique car les syndicats ne sont d’aucune efficacité : ces grèves, c’est le seul moyen qu’ils ont de forcer leur usines à faire des concessions ».
Et pour cause : au cours des deux dernières semaines, plus de 10 000 ouvriers de différentes usines confondues se sont mis en grève.
Lundi 21 novembre, 700 employés de l’usine taïwanaise Jingmo Electronics qui fabriquent des claviers d’ordinateurs pour Apple et IBM ont cessé le travail. Le lendemain, c’est au tour de 400 ouvriers de l’usine de sous-vêtements Shenzhen Top For Underwear de se mettre en grève. Fin octobre, ils étaient 1178 chez le fabricant japonais de montre Citizen à tenir tête à leur patron pour obtenir la rémunération de 40 minutes de présence quotidienne supplémentaire imposée mais non payée depuis plusieurs années.
La manifestation la plus importante a cependant eu lieu à Dongguan. 7000 employés de l’usine de chaussures Yucheng Footwear Factory, un sous-traitant de Nike et d’Adidas, sont ainsi descendus dans la rue pour protester contre l’annonce de 18 licenciements, une baisse de leurs salaires, ainsi que la suppression de leur temps de travail supplémentaire, laissant aux employés un maigre salaire de base. Une douzaine de travailleurs a été blessée par la police et envoyée à l’hôpital.
Des conditions de travail qui se détériorent avec la crise européenne
La crise de la dette en Europe et une situation économique difficile aux Etats-Unis entraînent depuis plusieurs mois une chute spectaculaire des commandes dans les usines chinoises travaillant pour l’exportation. Dans la province du Guangdong (sud-ouest) par exemple, ces dernières ont plongé de 9% le mois dernier ! L’activité manufacturière chinoise enregistre actuellement sa plus forte chute depuis mars 2009, tandis que l’inflation a stagné à 5,5% le même mois. « L’économie chute et ce sont les travailleurs qui font les frais de ces pertes » s’insurge Geoffrey Crothall. « Ils ne peuvent pas le supporter! ».
« De très nombreuses entreprises veulent en conséquence délocaliser vers l’intérieur du pays où la main d’œuvre coûte beaucoup moins chère », analyse Li Qiang, le fondateur de l’ONG China Labor Watch, basée aux Etats-Unis. « Il y a beaucoup d’anxiété parmi les travailleurs : ils ont peur que leurs usines ferment et qu’ils soient virés sans compensation. Ils sont anxieux de savoir où leurs usines vont être relocalisées. Tout ça ajoute au sentiment de malaise », renchérit Geoffrey Chrothall.
Les patrons chinois de ces usines sont donc loin d’être tiré d’affaires … Les statistiques de la fédération des industries de Hongkong prévoient qu’un tiers des 50 000 usines chinoises appartenant à des industriels de l’ancienne colonie britannique pourrait fermer et licencier en masse d’ici janvier.
Étrangement, il n’existe pas de statistiques concernant le futur des usines chinoises qui produisent des biens à destination du marché intérieur. A croire que celles-ci ne sont jamais en grève…
« Je pense que les grèves dans les compagnies qui travaillent à destination du marché intérieur se ressoudent plus rapidement pour une raison très simple » explique Geoffrey Chrothall, « c’est parce que le gouvernement opte pour une ligne beaucoup plus dure contre ces travailleurs ». Voilà pourquoi, nous n’en entendons jamais parler …
29/11/2011 | Jeanne Perray (Aujourd’hui la Chine).