La condamnation des Pussy Riot pour "hooliganisme motivé par la haine religieuse" est tombée vendredi 17 août. Pour avoir chanté le 21 février dernier une "prière" punk anti-Poutine dans une cathédrale moscovite, Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina et Ekaterina Samoutsevitch écopent chacune de deux ans de "camp à régime ordinaire". Qu'est-ce qui les attend exactement ? Plongée dans le système pénitentiaire russe.

Dortoirs, barbelés et miradors

La Fédération de Russie ne compte que sept prisons, mais dispose aussi de 750 camps, dont 46 réservés aux femmes. Au contraire des prisons classiques où les détenus sont en cellules, ces colonies pénitentiaires hébergent les zeks (prisonniers) dans des dortoirs de 100 à 200 lits. Pour le reste, des "bâtiments administratifs et infirmerie vétustes mais propres", une cantine, une "place centrale où les prisonniers sont alignés plusieurs fois par jour pour l’appel et l’inspection", décrit le quotidien Libération (article abonnés). "Et, tout autour, palissades, barbelés, miradors."

Ces camps, dans lesquels sont actuellement enfermés plus de 600 000 détenus dont environ 50 000 femmes, sont répartis sur tout le territoire, dans la campagne russe. Il ne s'en trouve pas un à moins de 100 km de Moscou. L'objectif est "d'isoler le détenu, le contraindre à une éprouvante vie en communauté, lui imposer des règles de groupe davantage destinées à l’humiliation qu’à la rééducation", selon La Croix (article abonnés). Les familles des zeks ne sont autorisées qu'à de rares visites et 15 minutes de téléphone mensuelles.

L'uniforme et un travail "rémunéré"

L'administration pénitentiaire doit obligatoirement proposer une activité rémunérée aux zeks, dans une usine ou un atelier également situés à l'intérieur du camp. Un travail "rémunéré" à hauteur de "4 à 70 euros mensuels" qui seront "ponctionnés pour financer l’uniforme et la gamelle", selon Libération. "La jupe est obligatoire en toute saison, le couvre-chef aussi. Les vêtements chauds sont interdits, hormis le caban ouaté délivré par l’administration", témoigne Maria Noel, ancienne prisonnière, pour le quotidien.

Les descriptions d'anciens détenus évoquent immédiatement les camps de travail du Goulag stalinien. "Réveil à 6 heures, appel dans la cour. À 7 heures, petit-déjeuner, puis départ pour le travail. À 13 heures, cantine, puis retour au travail, jusqu'à 16 ou 17 heures. A 18 heures inspection, puis dîner. Extinction des feux à 22 heures", raconte Svetlana Bakhmina au Figaro.

Des pratiques héritées du Goulag

Des associations de défense des détenus dénoncent par ailleurs des "pratiques héritées des goulags", comme "la tradition chez les geôliers de choisir certains prisonniers pour contrôler et punir eux-mêmes leurs camarades en échange de privilèges", rapporte La Croix (article abonnés). Mais il est difficile de savoir si les camps féminins souffrent des mêmes abus que les camps masculins, réputés très violents.

En plus de la discipline et des méthodes de l'administration pénitentiaire russe, une hiérarchie informelle s'installe entre les détenus. Criminels, trafiquants de drogue, escrocs et prisonniers politiques peuvent en effet cohabiter dans un même dortoir. Tout en haut de l'échelle, les blatnye ou "bandits d’honneur", traduit La Croix, règnent sur "les moujiki qui n'appartiennent pas au monde du crime" et "les opouchtchenniye considérés comme des esclaves".

A la sortie, le système de réinsertion est inefficace. "Quand une femme sort du camp, on lui donne 19 euros et un billet de train de troisième classe pour rentrer à la maison", raconte l'ancienne bagnarde Maria Noel à Libération. "Et tant pis si elle n’a plus de maison." 

FTVi